Notule biographique

Rédigée par Michèle Porte

Voici quelques brèves informations sur l'enfance et l'adolescence de René Thom. On n'entrera pas dans sa vie adulte au-delà de quelques jalons concernant la recherche scientifique et l'obtention de certains prix et distinctions.

René Thom et moi avions entrepris de rédiger une biographie. Le projet ne fut pas mené à terme. Je reproduis ci-après quelques-unes des notes que j'avais prises lors des entretiens que nous avions consacrés à ce travail. Ainsi le volume consacré à tel ou tel thème n'a-t-il pas de rapport de proportion avec son importance dans la vie de Thom.

Si une biographie proprement dite n'existe pas, à ce jour, l'essentiel des informations est fourni, dans les OEuvres Complètes, de façon dispersée. Les dates de rédaction des articles, que nous avons souvent pu retrouver, y contribuent. Les rapports scientifiques annuels, fournis à partir de 1969, présentent un tableau de l'activité de Thom. Les inédits - essais, rapports divers et correspondances scientifiques - témoignent d'une atmosphère de travail et de recherche. Quelques textes et remarques concernant sa biographie scientifique, que Thom a publiés, participent du genre. Enfin, l'ensemble de l'oeuvre de Thom présente l'homme et son style, tant dans ses étonnements, ses recherches, ses découvertes et ses combats, que dans ses relations avec ceux qui furent ses proches.

 


2 septembre 1923.

    Naissance à Montbéliard, 21 rue de Belfort. René Thom est le benjamin de Louise Ramel et de Gustave Frédéric Thom. Son frère aîné, Robert, est né en 1920. Les deux frères entretiendront des relations conflictuelles pendant leur enfance.

    « Mes premiers rapports avec mon frère aîné m'ont laissé sur une impression désagréable parce que mon frère me traitait de "boed". C'est une déformation de "peu", qui veut dire laid en patois de Montbéliard. J'ai pris mon frère en haine parce qu'il abusait de sa force. Il est encore vivant, il vit seul, il a épousé une femme qu'il n'a connue que brièvement. »

    « Ma mère, Louise Ramel, était une fille d'horloger. Mon père était d'une petite bourgeoisie bien établie, et puis, ma mère, dans sa jeunesse, était employée dans le café du pont. Ce n'est pas à dire qu'elle était de mauvaise vie. Elle était bien élevée, bien protestante. Fille d'une dynastie d'horloger qui remontait très loin. »

    « Frédéric [prénom du père] était un prénom fréquent parmi les Montbéliardais car les princes de Montbéliard, prince du Wurtemberg s'appelaient ainsi. Montbéliard ne fut conquise que par la Convention1. Et comme les conquérants s'adressaient au bourgmestre en lui disant : "Nous vous apportons la liberté", celui-ci répondit : "Vous ne pouvez pas nous apporter la liberté, nous l'avons". Il existe des gravures décrivant cet épisode. »

    « Dans notre généalogie il y a deux types de branches : les branches nobles et les gens humbles. Les branches nobles sont celles où les gens portaient des noms ayant une certaine célébrité historique. Par exemple Pierre Curie. Dans la branche féminine de la famille on était associé aux Curie. Ma mère avait une très proche amie Curie. Il y a eu des gentlemen Curie. »

    « Il y a une branche suisse provenant de Lengnau : les Blazer. Les Blazer étaient des célébrités locales. Émile Blazer avait fait le tour du monde. C'était un commerçant en instruments d'optique. Autre source de célébrité : le général Blazer de l'Armée française qui créa les Chasseurs alpins. »

    « Dans l'enfance c'était des noms dont on était fier ; ils étaient les plus regardés. »

    « Le cousin Michel [Thom] a fait une statistique : beaucoup d'ancêtres sont allés à Tübingen pour devenir pasteurs luthériens. »

    « Il y avait des contacts très étroits entre Montbéliard et l'Allemagne, et aussi avec l'Alsace : Riqwihr était associé à Montbéliard. Une des princesses de Montbéliard au 18ème siècle est devenue tsarine... Ça n'a pas duré mais on en parlait beaucoup. C'était la Princesse Dorothée, mariée à un empereur Pierre, idiot, alcoolique et épileptique. »

1923-1940.

    Thom passe son enfance et son adolescence à Montbéliard.

    « La famille vivait d'une épicerie droguerie. On y vendait un peu de tout, même des légumes je crois. Nous étions des urbains. Nous avions un grand immeuble, rue de Belfort, avec un escalier en spirale que l'on appelait un « yorbe » dans le patois de Montbéliard. Une date, 1626, était sculptée à l'entrée de la maison, qui était une vieille maison de famille où vivaient mes parents et grands-parents. »

    « Mon père était un homme cultivé. Il chantait en latin, la messe en latin, même devant les clientes. Il savait un peu de grec. Il n'avait qu'un tort, c'était de se croire commerçant. Il écrivait des poésies. C'était un homme d'un certain caractère. Au service militaire il a beaucoup souffert, dans un fort pas loin de Montbéliard, et quand il est revenu, il était incroyant. Au fond, ce qui l'intéressait, c'était la pensée. »

    « La famille a souffert des luttes religieuses. Au début du 20ème siècle le luthéranisme était vivace et puissant. Puis l'usine Peugeot s'est installée et des Polonais, Italiens, etc. sont venus travailler ; le comté de Montbéliard a perdu son caractère spécifique. »

    « Au départ nous étions des gens du pays de Montbéliard, luthériens, allant à l'école du dimanche - où j'ai été moi aussi. »

    Outre les parents de René Thom, vivaient aussi dans cette maison, des grands-mères et un oncle cadet du père, « l'oncle Georges ».

    « Il faut parler des femmes. Il y avait à la maison une mère, deux grands-mères et une arrière-grand-mère. »

    « Nous avions deux grands-mères, la grand-mère Thom et la grand-mère Ramel, et une arrière-grand-mère Beucler, mère de la grand-mère Ramel, qui était originaire d'un petit village, non loin de Montbéliard, Bart. A cet égard on a vécu dans une ambiance de vieux. Toute notre enfance a été gâchée par les conflits entre catholiques et protestants. »

    « Georges a joué un grand rôle dans ma vie. Il vivait seul, dans un autre corps de bâtiment, il était débile. Il descendait pour manger avec nous, faisait quelques courses pour le magasin, et était devenu adepte du spiritisme. »

    « L'oncle Georges était un minus. Tu crois qu'on peut avoir souffert de l'influence d'un minus ? Il vivait dans une chambre qui surplombait la cour. Il passait son temps à jouer avec des mécanos et, en plus, il était spirite ! Il était considéré comme minus dans la famille. Il avait beaucoup de boîtes de mécano. Il nous intéressait beaucoup, nous autres les enfants. On riait avec lui parce qu'il partageait nos repas. Très souvent le repas se terminait sur le spiritisme que mon père piétinait pour de rire. Georges était un peu comme un grand frère, sauf que, sur le plan intellectuel, on se sentait supérieur à lui. Il a joué un grand rôle parce qu'on l'excitait sur le spiritisme et il nous déballait ses croyances et ses formules. Tu sais ce que c'est que le père-esprit ? Il récitait toutes ses formules, mais le dégagement du corps, le dégagement du corps de l'âme, ça prend du temps ! Et beaucoup d'apparitions ! Et il citait comme preuve : "Moi, quand l'oncle Fritz a voulu mourir, j'ai entendu un grand coup sur le chandelier". Il croyait aussi aux fantômes dans les maisons. Il a joué un grand rôle, parce que ça compte une personnalité comme ça dans une famille ; ça donne de la liberté d'esprit. »

    « Je crois que mon père était né en 1881. Georges était un peu plus jeune que lui. »

    « J'aimais bien Georges. Mon père, j'avais un peu peur de lui. Il était plutôt bon ; assez indépendant ; il aimait marcher seul. Il partait pour de grandes promenades ; parfois il entraînait sa famille. »

1936 ou 1937.

    René Thom prend connaissance de l'existence du calcul différentiel à la bibliothèque municipale de Montbéliard, dans un ouvrage du 18ème siècle qui le séduit.

1940.

    Au début de la guerre, les parents de René Thom insistent pour que son frère et lui quittent Montbéliard. Ils partent à bicyclette, rejoignent un groupe de soldats en déroute, se retrouvent pour l'été en Suisse, où il pérégrinent et font les foins.

    « On nous a logés près du lac de Bienne, on nous a donné des paillasses et tous les gens de Bienne nous apportaient à boire, à manger ; c'était extraordinaire pour une armée défaite. »

    « On nous a envoyés, mon frère Robert et moi au Sud de Bienne, en vallée de la Gruyère : on a fait les foins. »

    « J'ai vécu deux mois à Annemasse. On nous a montés dans un camion et logés dans un hôtel au Mont Salève. C'était horriblement famélique. On crevait de faim, avec peut-être une demi-pomme de terre par jour. »

    « Finalement, au bout de quelques mois, le gouvernement français nous a transportés à Lyon. Mon frère et moi avons été logés par une amie de maman, une vague cousine. C'était une bonne période. Nous n'avons pas été malheureux et j'en ai profité pour passer le bac philo. »

    « Avant la guerre je n'avais pas tellement voyagé. Mon père a tiré le diable par la queue toute sa vie. Il avait coutume de dire "plaie d'argent n'est pas mortelle", et je lui renvoyais cette répartie cruelle : "tu en es la preuve vivante". »

    « Au fond, j'ai quitté mes parents en 1940. »

1941-1942 et 1942-1943.

    René Thom est interne au Lycée Saint-Louis, en mathématiques supérieures puis mathématiques spéciales.

    « Tu ne te rends pas compte. On m'a fait entrer au Lycée Saint-Louis. L'entrée dans les grandes taupes se faisait au poids sociologique des parents - je pense qu'il en est de même aujourd'hui. Georges Becker, mon professeur de grec qui m'était vaguement cousin, m'a défendu. Il m'a beaucoup plus frappé que tous les autres, notamment les professeurs scientifiques. C'était un éminent mycologue, et il écrivait des nouvelles, des poésies. »

    « En taupe, les origines sociales n'avaient pas grand poids. Nous étions internes. Les sorties étaient très réglementées. Tout le monde vivait dans l'attente des événements. J'avais un sentiment de compression. Mais peut-être il n'y a que là que j'ai fait des mathématiques. C'était une imprégnation technique. »

    « Mes parents se sont vraiment saignés pour me faire faire des études. Au Lycée Saint Louis ce n'était pas tellement brillant. Mais on ne souffrait pas. Les étudiants avaient la plupart un pedigree plus noble que moi. Nous étions deux ou trois d'origine modeste, boursiers, et les autres étaient fils de bourgeois. Il y avait un horaire épouvantable de cours. »

1943-1947.

    Élève à l'École normale supérieure.

    « Ensuite l'ENS c'était différent. On pouvait discuter avec les littéraires, ça vous ouvrait des horizons. Je me rappelle avoir vu Malraux faire une grande déclaration dans un couloir... »

    « A l'ENS on avait le système des turnes. J'avais la chance d'être dans une bonne turne. En gros, on peut diviser les élèves en deux groupes, les fils à papa et ceux qui avaient été recommandés par leurs instituteurs. Cette division recoupait celle des littéraires et scientifiques. Par exemple, d'Ormesson, que j'ai bien connu, était un littéraire. C'était des gens bien ; les scientifiques étaient des petits rustres de province. Et il y avait l'institution du pot que j'aimais bien. J'ai conservé de très bons souvenirs de quelques scientifiques. Les littéraires étaient des gens qui nous impressionnaient ; qui avaient du bagout. »

1944.

    « Peu après le débarquement je suis parti pour rejoindre mes parents. Je pensais que de Montbéliard on pouvait plus facilement passer en Suisse. J'ai pris un des derniers trains qui filaient vers Belfort. Cette période s'est mal terminée. C'est alors qu'il y a eu cette rafle à Montbéliard. Et la plupart ont fini dans les camps. »

    « Je suis arrivé à Montbéliard pour l'enterrement de ma grand-mère ; j'ai suivi son cercueil pendant que les bombes sifflaient. Une demi-année plus tard on a été libéré par les troupes de De Lattre. J'ai vécu le repli allemand. »

    « À la fin de la guerre, en 1944, j'étais à Montbéliard. Tous les hommes au sens masculin du terme ont été raflés. Nous avons été transportés à la caserne de Belfort. On nous faisait creuser des tranchées au Sud de Belfort, pour défendre la ville des armées alliées. Nous étions surveillés par des allemands de l'organisation Tod, et ils nous engueulaient, probablement parce que nous ne creusions pas assez vite. Ça a duré quinze ou vingt jours, peut-être un mois. Je m'attendais à être envoyé dans les camps. Une fois j'avais été mis au cachot par les nazis. Puis il y eut une visite médicale et j'ai eu affaire à un médecin espagnol. Ce médecin m'a fait un certificat d'inaptitude aux armes et j'ai quitté la caserne de Belfort. Je suis allé chez une grand-tante qui habitait dans le coin. Mais c'était risqué de me garder. Quand je suis parti je suis tombé sur un nazi qui m'a reconnu. Et puis, je suis revenu à Montbéliard. Je crois que mon grand-oncle était mort. Il était venu m'encourager quand j'avais passé une épreuve du bachot à Belfort. C'était un homme que l'on estimait. »

    « Belfort Montbéliard, dix-huit kilomètres à pied. Quand je suis arrivé, c'était peu après le bombardement de l'usine de Sochaux et mes parents étaient complètement choqués. Après ça j'ai été heureux. Je voyais pas mal les cousins. Plus tard, quand le tunnel de Blaisis-Bas [?], près de Dijon, avait repris du service, j'ai pu aller à l'ENS où j'ai passé deux ans ensuite : 1945-1947, avant ma venue à Strasbourg. »

    « Mon frère a été victime du STO. Il n'avait pas l'esprit résistant - moi non plus d'ailleurs - et puis en 1943 les maquis étaient encore rares. Il était dans un camp d'un faubourg au Sud de Vienne où l'on pouvait encore aller de la ville par le tram. »

1946.

    Agrégation des sciences mathématiques.

    « A la fin du séjour à l'ENS je suis parti pour Strasbourg. J'ai suivi le maître Cartan. Il y avait toute sorte de gens intéressants à Strasbourg. Des gens très forts aussi. Je pense que des gens comme Kossul valaient bien Grothendieck. »

1947-1951.

    Attaché, puis chargé de recherches au CNRS.

1949.

    Mariage avec Suzanne Helmlinger.

    En mars, Thom publie son premier article de mathématiques, dans les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, sur proposition de Henri Cartan. « Sur une partition en cellules associée à une fonction sur une variété. »

    Il écrit aussi une nouvelle, « L'étrange expérience du professeur L. », inédite et publiée dans les OEuvres Complètes.

1951.

    Docteur ès Sciences Mathématiques. Thèse : Espaces fibrés en sphères et carrés de Steenrod, sous la direction de Henri Cartan.

    Naissance de Élisabeth Thom, fille aînée de René et Suzanne Thom.

1951-1952.

    Boursier au Graduate College de Princeton, USA. Rencontre marquante, au printemps 1952, avec Claude Chevalley, à Columbia University. C. Chevalley annonce la possibilité d'introduire la notion de généricité dans le monde des structures différentiables.

1953-1954.

    Maître de conférences à la Faculté des siences de Grenoble.

1953.

    Naissance de Françoise Thom, fille cadette de René et Suzanne Thom.

1954-1963.

    Maître de conférences, jusqu'en 1957, puis professeur à la Faculté des sciences de Strasbourg.

1957.

    Gastprofessor à l'université de Bonn. Cours rédigé par H. Levine.

1958.

    Médaille Fields reçue au Congrès international des mathématiciens d'Edimbourg. Le rapport est rédigé par Hopf.

1959.

    Naissance de Christian Thom, fils de René et Suzanne Thom, et benjamin de la famille.

Années 1960.

    Contacts avec le groupe Peixoto-Lefschetz qui travaillait aux USA sur la stabilité structurelle des systèmes dynamiques.

1962.

    Prix des laboratoires de l'Académie des sciences.

1963-1988.

    Détaché à l'Institut des hautes études scientifiques (IHÉS) à Bures-sur-Yvette, comme professeur permanent. Cohabitation difficile avec Grothendieck.

1966-1968.

    Rédaction de SSM.

1966.

    Premier article publié en biologie théorique.

1967.

    Publication de la liste des sept catastrophes élémentaires.

1967.

    Membre correspondant de l'Academia Brasileira de Ciencias.

1969.

    Le début de la collaboration avec Pierre Delattre est concrétisé par la Préface que Thom rédige pour un texte de son ami, publié au CEA. La participation de Thom à la Société française de biologie théorique, ainsi qu'aux rencontres de l'abbaye de Solignac s'ensuivra.

    « Nous nous sommes rencontrés alors que nous étions à Orly, voisins, en train d'attendre chacun un avion. J'allais aux USA ou au Mexique. Nous avons discuté et on a gardé quelques relations. »

    « Il voulait unir la biologie et les mathématiques. L'idée d'en faire une structure institutionnelle ne me tentait pas. Pierre Delattre m'a expliqué son idée des rapports de la biologie et des mathématiques ; il voulait utiliser les idées de la dynamique mathématique. C'était un physicien orthodoxe, malgré tout. »

    « Il avait fait une chute à Saclay dans un truc radioactif et il a vécu très personnellement toutes les questions de contamination. »

    « Même à Strasbourg il y avait un groupe interdisciplinaire - avec des botanistes - non des physiologistes, qui étaient plus suspicieux. »

    « Cette idée de biologie mathématique n'était pas répandue en France, mais ailleurs, par exemple en Hollande, plus qu'en Allemagne et dans les pays latins. L'Angleterre avait la grande tradition de d'Arcy Thompson. »

    « Donc nous avons discuté ensemble en attendant nos avions. Nous nous sommes perdus de vue, puis au bout d'un certain temps nous avons repris contact, lorsque Pierre Delattre a réussi à constituer une Société de biologie mathématique qui s'appelait SFBT, Société Française de Théorie Biologique. En discutant avec lui j'avais remarqué que cela rappelait la société ferroviaire des transports belfortains. C'était une association selon la loi 1901. Les problèmes étaient : débloquer les cotisations ; où aller ; et finalement on a trouvé l'Abbaye de Solignac, au Sud de Limoges, à côté d'un affluent de la Vienne, près de coteaux assez élevés ; c'est comme le début du Périgord... avec la ligne de chemin de fer pas loin. »

    « Ce lieu a été notre lieu de réunion de la société jusqu'à la mort de Pierre Delattre. Je crois qu'il est mort d'un cancer du poumon, quelque chose comme ça. Il dirigeait cette société, évitait les querelles internes. Ces sociétés recrutent quelques fous, (...). Il y avait des farfelus, et un petit nombre de gens âgés et sérieux. Des botanistes. On n'a pas pu avoir beaucoup d'animalistes. Parfois des médecins. Le gros des troupes était des végétalistes. »

    « Dans la société les gens étaient assez calmes ; il n'y avait pas trop de bisbilles. Quatre ou cinq moines occupaient encore l'Abbaye et ils ont été d'accord pour céder leurs bâtiments. »

    « Pierre Delattre habitait à Massy-Palaiseau. Je l'ai connu assez bien, presque jusqu'à sa mort. C'était un homme très serviable, très compétent. Il s'était très tôt intéressé à l'effet des rayonnements sur les êtres vivants ; il a tenu ce groupe et ça a duré. Ce groupe a eu un destin heureux parce qu'il était bien dirigé. »

1970.

    Polémique des mathématiques modernes.

    Médaille L.E.J. Brouwer de l'Académie des sciences des Pays-Bas.

    Docteur Honoris Causa de l'université de Warwick, Grande-Bretagne.

1971.

    Grand Prix des Sciences mathématiques et physiques.

1972.

    Congrès de Vancouver ; succès médiatiques de la TC, dus autant à Christopher Zeeman qu'à Thom, au moment même où SSM finit par paraître, après quatre ans de tribulations éditoriales, dont Thom a toujours témoigné qu'ils lui avaient été très pénibles.

1974.

    Première publication d'un recueil d'articles de Thom concernant les mathématiques, l'épistémologie, la biologie théorique et la linguistique, en collection de poche 10/18, sous le titre Modèles mathématiques de la morphogenèse. Le titre est repris d'une série de conférences, les Lezione Fermiane, organisées par l'Accademia Nazionale dei Lincei et prononcées à la Scuola la Normale Superiore de Pisa, du 10 avril au 31 avril 1971. L'ouvrage est un vif succès éditorial.

    Grand Prix Scientifique de la Ville de Paris.

1975.

    Membre étranger de l'American Academy of Arts and Sciences.

1976.

    Critiques virulentes contre la Théorie des Catastrophes, dues en particulier à Sussman et Zahler.

    Membre titulaire de l'Académie des Sciences de Paris.

    Docteur Honoris Causa de l'Université de Tübingen, Allemagne.

1978.

    Membre de la Deutsche Akademie der Naturforscher Leopoldina.

    Membre titulaire de l'Académie internationale de philosophie des sciences de Bruxelles.

    Membre de la Deutsche Akademie der Naturforscher Leopoldina.

1980.

    Début de la controverse sur le déterminisme, lancée par un article de Thom, « Halte au hasard, silence au bruit », publié dans la revue Le Débat.

1981.

    Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur, remise par Henri Cartan.

1982 (7-18 septembre).

    Colloque de Cerisy, organisé par Jean Petitot, autour de l'oeuvre de Thom.

1983.

    Docteur Honoris Causa de l'université de Nimègue, Pays-Bas.

1983-1986.

    Rencontre puis collaboration avec le Docteur Etienne Labeyrie, pour qui Thom avait une grande affection, et dont le décès brutal l'a frappé.

1984 (19 novembre).

    Début de la controverse concernant les sciences expérimentales, lors de la séance plénière de l'Académie des sciences où Thom prononce une conférence intitulée
    « La méthode expérimentale : un mythe des épistémologues (et des savants) ? ».

1985.

    À la mort de Pierre Delattre, dont il prononce l'éloge funèbre, Thom accepte la présidence de la Société française de biologie théorique.

1988.

    Publication en septembre de Esquisse d'une Sémiophysique. Physique aristotélicienne et théorie des catastrophes. Le philosophe Bruno Pinchard, avec qui Thom a noué une amitié, participe à l'ouvrage, dans un dialogue terminal avec l'auteur.

26-30 septembre.

    Colloque de mathématiques en l'honneur de René Thom, IHP, Paris.

    Membre de l'Académie polonaise des sciences.

    À partir de 1988. Professeur émérite à l'IHES.

1990.

    Publication de Apologie du Logos, volumineux recueil d'articles antérieurement publiés. Jean Largeault, avec qui Thom est devenu ami depuis le colloque de Cerisy de 1982, l'a aidé à réaliser cet ouvrage et en rédige la préface.

    Commandeur de l'Ordre national du mérite.

1993 (janvier).

    La promotion au grade d'Officier de la Légion d'Honneur est parue (lettre de remerciements à la Chancellerie le 27 janvier). « Le maître Cartan » lui remettra le titre à l'IHES, au printemps.

    Docteur Honoris Causa de l'université de San Sebastian, Espagne.

1995.

    Grande Croix de l'ordre du mérite scientifique du Brésil (Ordem Nacional do Merito Cientifico).

 

À partir de 1995, la santé de René Thom a commencé de se dégrader.

René Thom est décédé le 25 octobre 2002 à Bures-sur-Yvette.


Quelques remarques.

« Il m'a manqué la théorie des immeubles de Tits. Ses théories vont à la racine des mathématiques. Elles partent du néant - non trivial, sans forme. Il y a la forme et l'action qui agit sur les formes. On désosse le facteur d'action et on tombe sur des théories très profondes dont les immeubles de Tits et une autre théorie très étonnante, les carquois et les flèches de Gabriel. Cette dernière théorie est de principes très simples et elle va très loin. On ne sait jamais qui ira si profond dans les mathématiques. »

« Ce qui m'intéresse encore ce sont les choses simples. »

A propos des mathématiques « moches » et « belles ».

« Les objets analytiques sont rigides, plutôt de beaux objets. Les variétés au contraire, ça se déforme. En particulier, dans les espaces analytiques on ne va pas à l'infini n'importe comment. Le problème de trouver des objets intermédiaires m'a toujours intéressé. Maintenant ils sont en train de résoudre ce problème, ça s'appelle les ensembles de Pfaf. Alors on ne peut pas aller à l'infini en spirale, à l'ivrogne. »

 

À propos du temps complexe.

« Je crois que cette idée du temps complexe provient de ce qui se passe dans un espace symplectique. Alors, quand on parcourt le temps réel, il peut y avoir des singularités isolées où ça s'arrête. Tout se passe comme si le temps partait à moins l'infini et revenait par plus l'infini. Je crois que l'idée du temps complexe provient de là, de ce temps singulier en un point du plan. »

 


 

1 . La ville fut la capitale d'un comté d'Empire, remontant au 12ème siècle, et passé par mariage aux Wurtemberg au 14ème. Elle connut plusieurs occupations françaises (le futur Louis XI en 1444, Louis XIV en 1674, puis sous Louis XV en 1723-1748) ; elle fut définitivement rattachée à la France en 1801 par le traité de Lunéville.